top of page

Haïti ne pourra pas être sauvé

Dernière mise à jour : 31 mars

»Le pays se meurt! »


Un environnement en crise


Quand j’ai appris que la route Laboule – Taras – Saint Roc – Diquini est rouverte, je reprends après 8 mois la Route Nationale #2 (RN2) vers Carrefour pour aller à Port-au-Prince. Sur mon passage, tout me paraît étrange et surtout une transformation dégradante de la réalité. Léogane est dévasté par la pluie des 2 et 3 juin 2023. Mais, le comble est le tort qui est fait aux passagers et à la cité d’Anacaona, en ornant d’ordures les deux côtés de la RN2, au niveau du pont jeté sur La Rouyaune. En progressant vers Gressier, ça commence à corser et davantage encore plus on progresse vers Mariani.


La RN2 est remplie en plusieurs endroits de monticules d’alluvions. Une rue ou un ravin qui débouche perpendiculairement à la RN2 devient un exutoire. Les montagnes déversent ses terres, à cause de la colonisation anarchique de leurs pentes par des constructions de toutes sortes au su et au vu des autorités. Celles-ci non seulement consentent à ce crime, mais aussi laissent les chaussées enfouies sous les décombres et en mauvais état, rendant la circulation difficile avec son cortège de poussière. C’est aussi une partie des alluvions et des déchets qui va polluer le fonds marin et détruire tant sa flore que sa faune. Le Lambi Club est devenu méconnaissable et que dire du site de décharge de Carrefour, sur la route des rails, de couleur noirâtre qui fume.


Un drame plus profond


Derrière tout cela se jouent le drame du centralisme de Port-au-Prince, faisant écran au projet de la décentralisation inscrit dans la Constitution du 29 mars 1987 et, par conséquent, le manque d’opportunités d’emplois et de services en provinces, le délaissement de l’agriculture paysanne et la dégradation de l’environnement, l’exode rural massif, le manque d’offre publique et privée de logements à la portée du plus grand nombre.


Se pose aussi la question de la sécurité des investissements. Brusquement, on ne peut plus accéder à sa construction, sa maison qui perd de la valeur ou son magasin à délocaliser à cause de la dégradation de l’environnement, de l’insécurité, des gangs, de la pollution de toute sorte, de l’incivilité, de la négligence ou démission des autorités et du venin politique qui rend aveugles les leaders et les dirigeants qui mettent au second plan toute notion de services à la communauté.


Des atouts


Le pays se meurt, alors qu’il possède de nombreux atouts qu’il pourrait mettre en valeur pour créer de la richesse et des emplois. C’est le cas par exemple pour le secteur touristique qui est resté paralyser à cause de l’insécurité et du problème de déplacement, alors que tout est là : installations touristiques, ressources naturelles (soleil, plage, grotte, paysage diversifié, par exemple), sites historiques, patrimoine culturel et artistique, etc. Savez-vous que grâce à ses plages, ses chutes d'eau et ses montagnes, Haïti a été placée 48e plus beau pays dans le monde devant la Suède, le Panama et 140 autres États dans ce classement (CLASSEMENT ACTUEL D'HAITI SUR LE PLAN TOURISTIQUE).


Des opportunités


Mais, en même temps, il faut noter que la crise actuelle fait remonter à la surface certaines opportunités non exploitées ou non mises en valeur jusqu’ici. L’observation de certains faits qui tissent le quotidien montre que la population est prête pour le grand virage, tout en déplorant le fait qu’il est trop abusé. Par exemple, les gangs pratiquent le péage, un outil financier utilisé dans d’autres pays pour construire et entretenir des infrastructures routières et faciliter la circulation des gens et des biens. Il en est de même pour le carburant. Si on analyse la façon dont le gouvernement d’Ariel Henry est arrivé à sa fin, le peuple montre que là aussi il répond à l’appel. Comme l’a fait le Costa Rica, on aurait pu concevoir un fonds pour financer la restauration de l’environnement, en particulier la reforestation, à partir d’une taxe sur le carburant. Le cas actuel de la RN2 à hauteur du pont de La Digue (Petit-Goâve), menacé de destruction imminente par les alluvions de la plus prochaine pluie, risquant en même temps d’isoler au moins 3 départements (Sud, Nippes, Grand-Anse) et la commune de Petit-Goâve, montre que les bassins versants ici et ailleurs ont besoin d’être traités pour protéger les infrastructures de services et les populations.


Conclusion


Tout ça n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg, qu’on ne saurait résoudre sans un retour normal à l’ordre constitutionnel et sans des dirigeants tant légitimes et compétents que responsables et engagés. Il est grand temps de recentrer la balle, en vidant sur notre propre terrain nos contentieux historiques qui ont différentes ramifications, notamment d’ordre : tribal et ethnique, linguistique et territorial, idéologique, économique et stratégique, national et international, voire de couleur n’en déplaise à Jean Jacques Accaau, pour qui : « Nèg rich se milat, milat pòv se Nèg ».


Cette grande vérité est toutefois loin d’épuiser la question de couleur qui reste le talon d’Achille de l’unité nationale. Elle tranche plutôt sur le paraître à travers des alliances stratégiques, mais non réellement sur le sentiment d’appartenance quand les intérêts particuliers de caste prennent le dessus. Du fait de cela, on peut nager dans la consanguinité ou l’inceste, voire le libertinage entre ses semblables de couleur et de race, indépendamment du rang social, au lieu d’opter pour la mixité sociale. C’est certainement après avoir traité ces questions litigieuses et créé l’apaisement social indispensable qu’on pourra sérieusement s’entraîner ensemble et aligner l’équipe capable de faire renaître Haïti.


Abner Septembre

Port-au-Prince, le 7 juillet 2023



Comentários


bottom of page